3. Les registres des langues, l'argot et la langue des jeunes.

Pré-requis

Dans le langage courant (non standard), dans les conversations informelles et surtout chez les jeunes, il est plus courant d'avoir : "la trouille, la frousse ou le trac" que d'avoir "peur". Ces termes, tous synonymes, servent à exprimer en argot un sentiment d'effroi.

L'argot, est défini dans le Larousse comme " l'ensemble des mots particuliers qu'adopte un groupe social vivant replié sur lui-même et qui veut se distinguer et/ou se protéger du reste de la société (...)". Comme pour les emprunts, de nombreux termes argotiques ont été assimilés par la langue française et apparaissent dans les dictionnaires conventionnels. C'est le cas par exemple des termes ci-dessus (trouille, frousse ou trac). D'autres, moins assimilés, sont recueillis dans de nombreux dictionnaires thématiques qui leur sont consacrés. Un point en commun toutefois regroupe tous les termes de l'argot en français : tous appartiennent au registre familier.

     

Activité lexicale
1) Repérez dans la transcription de la bande-annonce du film des émojis les mots en argot.
2) Testez vos connaissances : Vous avez deux minutes pour écrire tous les mots en argot que vous connaissez... À vos marques, prêt, partez !

À court d'idées ? Votre vocabulaire serait-il d'un registre moins familier ? Jetez un coup d'œil à l'article suivant et découvrez combien de mots en argot sont réellement des emprunts : cliquez ICI.

Activité "remplir les blancs"

Compréhension orale: de l'argot au registre soutenu
  

Regardez cette scène du film "Intouchables".

    


Source: YouTube

    

Au début de cette scène, Philippe (un homme riche et instruit) est au téléphone. Il parle à Éléonore, une femme avec qui il n'entretient (jusque là) qu'une relation épistolaire et téléphonique. Leurs conversations ne sont que d'ordre culturel (littérature) ou philosophique. À côté de cela, Driss est un jeune de banlieue qui, loin de se sentir intimidé ou ébahi par cet univers sophistiqué, impose ses manières et son langage là où il va.

fotograma de intouchable
Imagen de champardennaisaxonais en Flickr . Licencia CC

   

Complétez les trous.

Philippe (au téléphone) : Je suis en deuil, je pleure, j'ai peur. Un peu de fraicheur, Seigneur (...) Oui, c'est ça ! : "La Vierge folle". Vous êtes !
Driss : Pardon ! Excusez-moi ! J'étais là avant ! Merci !
Philipe : Éléonore, je suis content ! je suis content !
Driss : Oh, la ! Gros en fait ! T'arrêtes plus !
Philipe : Je vous embrasse !
Driss : Tout le monde s'embrasse, tout le monde se lèche l'oreille ! Très bien !
* * *
Driss : Bon, alors ?
Philippe : Ben alors il y a du bon et du moins bon.
Driss : C'est quoi le bon ?
Philippe : 53 kilos.
Driss : Cinquante-trois kilos c'est bien ! Sauf si elle fait un mètre !
Philippe : Et le moins bon...Elle veut une photo !
Driss : Et alors ?
Philippe : Et alors ? Il est lui !
L'hôtesse : Bonsoir messieurs ! Vos billets s'il vous plaît !
Driss : Bonsoir !
L'hôtesse : Alors c'est juste là !
Driss : Très bien !
L'hôtesse : Bonne soirée !
Driss : Bonne soirée à vous ! Si vous me cherchez, on est là. On bouge pas. Enfin surtout lui !
* * *
Driss : Attendez ! Qu'est-ce qu'elles cherchent les femmes à votre avis ?
Philippe : Je sais pas. La beauté, le charme, l'élégance.
Driss : Mon cul ! Elles cherchent l' , la sécurité. Demandez-lui à lui, là ! Et là, vous vous avez des arguments.
Philippe : Je suis peut-être naïf mais j'espère que je peux séduire encore avec autre chose que mon compte en banque !
Driss : Attendez ! Elle passe six mois à lire vos poèmes à la "mords-moi le nœud" et elle . C'est une originale. C'est sûr ! Elle peut très bien du fauteuil.
Philippe : Ça c'est vrai !
Driss : Et puis là-bas dans le Nord les ils à force de boire. Avec vous elle verra qu'elle risque rien.
Philippe : Salaud !
Driss : C'est pragmatique ça, non ?
Philippe : Je sais pas si.... !
Driss : Donc, la photo c'est un bon test. Si elle renvoie la sienne ça veut dire qu'elle est d'accord pour aller plus loin. Après, vous, vous pouvez envoyer une photo de vous avec le fauteuil mais qu'on voit pas trop...Vous êtes pas obligé de lui envoyer une photo genre Téléthon, avec le filet de bave avec une sale tête !

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Monologue:

Vous rappelez-vous du film d'où est tiré cet extrait ? Pourriez-vous en faire un synopsis ? Des deux personnages, lequel utilise le plus l'argot ? D'après vous, quelle en est la raison principale ?

Sélection multiple

Question

hombre y mujer hablando

Imagen de mikegi en Pixabay . Licencia CC

    

Le langage des jeunes

   

Lisez les conclusions de l'article de Lorenzo Devilla: "La langue des cités à l'affiche : pratiques langagières des jeunes urbains dans le cinéma français sur la banlieue", puis retrouvez les 6 affirmations correctes parmi les énoncés ci-dessous.

    

Le succès des films comme "L'Esquive" (2004) ou "Intouchables" (2011) montre que la banlieue occupe désormais une place importante dans l'imaginaire de la majorité des Français. On mesure au fil des films l'importance acquise par les variétés stigmatisées dans le marché linguistique du discours cinématographique. Même si dans le cinéma les pratiques langagières des jeunes urbains font l'objet d'une théâtralisation, au sens de Goffman, et qu'un film ne peut montrer qu'une "stylisation" linguistique, notre corpus laisse cependant émerger certaines tendances, comme l'abandon de la verlanisation systématique (typique en revanche dans les films des années 80 et 90) et l'essor de phénomènes liés aux contacts de langues. Or, si l'on en croit Alain Rey, ces mêmes tendances seraient en cours dans les pratiques réelles des parlers jeunes, le verlan s'étant aujourd'hui essoufflé, complété par les langues d'héritage. Des enquêtes de terrain récentes, comme celle menée dans le cadre du projet "Multicultural Paris French" par une équipe dirigée par Françoise Gadet semblent aller dans cette même direction.

    
Du "Thé au Harem d'Archimède" (1985) jusqu'à "L'Esquive" (2004) en passant par "La Haine" (1995), qui illustrent, selon les sociologues Kokoreff et Lapeyronnie, trois configurations successives, trois âges de la banlieue, on constate donc le recul du verlan et la place importante faite à l'arabe maghrébin, que le cinéma français sur la banlieue semble avoir choisi comme trait stéréotypé caractérisant les parlers des jeunes urbains. Et ce en dépit de la présence en banlieue d'autres langues d'héritage, dont les langues africaines, par exemple. Or, on sait qu'aujourd'hui en France à travers les immigrés, rapatriés, harkis, et leurs descendants, près de 10% de la population française a, dans son histoire familiale, un attachement avec l'autre côté de la Méditerranée et un lien avec la darja ou le berbère, même si cela ne veut pas dire que ces gens parlent ces langues. Mais il est intéressant de souligner que l'arabe maghrébin exerce désormais des influences sur les parlers des jeunes quelle que soit l'origine de leurs parents et dans tous les quartiers. Il a en effet débordé le cadre familial ou communautaire où on le cantonnait pour laisser des empreintes sur la scène culturelle française, qui en sort ainsi modifiée. Il a gagné visibilité et légitimité et semble jouer un rôle fédérateur. L'arabe maghrébin s'est installé sur le devant de la scène culturelle française à un tel point qu'on assiste aujourd'hui à un dépassement même des clichés de l' "entre deux cultures" ou du "métissage culturel". À cet égard, la notion de "crossing" élaborée par Ben Rampton (2005) pourrait être mobilisée, nous semble-t-il, pour décrire ce phénomène qui caractérise les parlers des jeunes urbains et qui consiste à adopter une variante normalement associée à une autre communauté, comme l'illustre ce témoignage recueilli par Cécile Ladjali, écrivaine et professeure de lettres dans un lycée de Seine-Saint-Denis, dans son essai "Mauvaise langue" (Seuil, 2007). Il s'agit des propos d'une de ses élèves, une "française en l'occurrence" (sic) :
"... dans la cité il y a trois clans. En haut de la pyramide, il y a les Blacks, ils sont les plus forts. Au milieu il y a les Beurs. Ils suivent le mouvement. En bas, il y a les Blancs, ceux qui ne peuvent pas habiter le quartier pavillonnaire. Pour eux c'est très dur. Moi je parle avec cet "accent black", pour ne pas passer pour une "bouffonne de Blanche". Et puis les garçons me respectent quand je parle comme eux, de façon virile, et pas comme une fille. Alors ils me laissent tranquille."
Or, l'inconvénient du terme "crossing", comme nous l'a fait remarquer Françoise Gadet, c'est qu'il semble supposer que les communautés sont propriétaires de leurs langues ou de leurs traits. En revanche, les langues, on le sait, se moquent des frontières. Cela circule toujours.

Source: dorif.it

    

 

Réponses

Les films comme "L'Esquive" (2004) ou "Intouchables" (2011) sont désormais des films cultes pour les Français.

Le langage employé dans ces films n'a pas eu d'importance dans leur succès.

Le langage dont il est question dans ces films est fortement exagéré.

Le verlan est encore très utilisé dans le langage des jeunes d'aujourd'hui.

Le cinéma français actuel sur la banlieue préfère le parler maghrébin comme signe caractérisant du parler des jeunes urbains.

10% de la population française actuelle est d'origine africaine.

Les jeunes d'origine africaine parlent habituellement la langue de leurs ancêtres.

L'influence du parler maghrébin ne s'étend pas au delà des banlieues.

Le "crossing" consiste à adopter une variante linguistique normalement associée à une autre communauté.

Les propos d'une élève de Cécile Ladjali sont recueillis dans cet article.

Les Français blancs sont normalement au sommet de la hiérarchie sociale des banlieues.

L'élève de Cécile Ladjali s'est vue forcée à changer sa manière de parler pour pouvoir vivre tranquille dans la banlieue.

Françoise Gadet voit un inconvénient dans le terme "crossing" de par son étymologie anglaise.

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