2.1. Le " parler jeune " des banlieues
ARRÊTE TON BAD-TRIP !
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Image 5. Source: flickr.com. |
Le « langage des cités », affirme Jean-François Dortier, amuse, fascine et inquiète en même temps.
Certains linguistes remarquent que le « parler jeune » est justement propre à une génération et que, devenus adultes, les adolescents vont, en général, l'abandonner.
Mais d'autres s'inquiètent parce qu'ils considèrent qu'à cause de sa grande diffusion dans les cités, certains n'arrivent pas à maîtriser le français « correct ».
Pas facile de savoir à quoi s'en tenir. |
« Tu flippes ta race, bâtard ! » Sur le langage des cités
Jean-François Dortier
Le «parler jeune des banlieues» n'est pas un langage dégradé du français qui aurait vocation à se généraliser à toute la société. Il relève d'un code interne à un milieu destiné à marquer provisoirement sa différence.
« Ma meuf, quand j'lui dis que j'sors avec des potes, elle bad-trippe grave. » Traduction : « Ma copine, quand je lui dis que je sors avec les copains, elle s'inquiète beaucoup. »
Tout le monde connaît désormais l'usage des mots « meuf » (femme, fille), « keuf » (flic), « keum » (mec), ou même les « remps » (parents). De même le superlatif « grave », qui peut signifier beaucoup, très (« Putain, tu me prends grave la tête ! »), mais peut aussi s'employer pour désigner une personne étrange ou bizarre, plutôt « zarbi » (« Il est grave ! »). Moins connue est l'expression « bad-tripper » qui signifie « flipper », c'est-à-dire angoisser (« Arrête ton bad-trip ! » qui veut dire « T'inquiète pas ! »).
Le « langage des cités » amuse, fascine et inquiète. Il amuse et fascine par son inventivité, sa drôlerie. Témoin : « Il est trop mystique le prof de français, il vient à l'école en vélo ! », le mot « mystique » désignant ici une personne au comportement étrange, différent, atypique (synonyme aussi de space, déjanté...). Cet attrait pour l'exotisme du « parler jeune » explique le succès des dictionnaires de la cité, leur introduction folklorisante dans les émissions de télévision, leur usage décalé dans d'autres milieux (« Il est zarbi ce gars ! » entendu dans une salle de rédaction d'une revue de sciences humaines...). Il y aurait même certains linguistes qui idéaliseraient leur objet d'étude, comme le font parfois les ethnologues à l'égard des populations étudiées.
Mais le langage des cités inquiète aussi. On se soucie notamment de la pauvreté et de l'agressivité du vocabulaire employé (« Putain, y m'bat les couilles, ce bâtard », qui choque dans la bouche d'une adolescente de 13 ans). Certains défenseurs de la langue craignent que celle des cités n'en vienne à contaminer la langue française au point de l'appauvrir (les « Ça l'fait ! », « C'est ouf ! », « Putain ! » se sont largement diffusés et entrent peu à peu dans les dictionnaires). Enfin, certains craignent qu'une partie de la jeunesse en vienne à s'enfermer dans un ghetto linguistique. Qu'en est-il vraiment ?
La plupart des spécialistes s'accordent à penser que le parler jeune n'est pas simplement un langage déformé et dévoyé du français ordinaire. Il fonctionne à la fois comme un code secret et une marque identitaire. Code secret : dans Les Céfrans parlent aux Français, deux jeunes enseignants de collège avaient proposé à leurs élèves de rédiger un dictionnaire des mots de la cité. Première réaction d'une élève : « Mais alors, nos parents, ils vont comprendre tout ce qu'on dit ? » La collégienne révélait ainsi que le parler jeune fonctionnait comme un code interne destiné à protéger certains secrets. Ce fut naguère le cas de l'argot, langue de marginaux qui cherchaient à se dissimuler. Le parler jeune permet de parler entre soi, à l'insu des parents, des professeurs, des policiers. Il permet de se moquer de quelqu'un dans le métro sans qu'il comprenne. C'est un jeu très pratiqué par les enfants dans les cours de récréation.
Il est aussi un marqueur identitaire : il vise à se distinguer. Au même titre que la façon de s'habiller, la façon de parler est une marque de distinction. De ce fait, lorsque certaines expressions se diffusent largement et deviennent courantes, elles sont remplacées par d'autres.
Source: scienceshumaines.com

Ejemplo o ejercicio resuelto
ACTIVITÉ DE COMPRÉHENSION
Dites si c'est vrai ou faux. Justifiez votre réponse avec une phrase du texte.
- Selon l'auteur de cet article, le « parler jeune » des banlieues est une dégradation du français ordinaire.
- L'auteur critique l'introduction du langage des cités dans les émissions de télévision et dans d'autres milieux professionnels.
- Certains linguistes considèrent que les jeunes utilisent un vocabulaire très restreint.
- La plupart des parents et des professeurs comprennent le « parler jeune » des cités.
- Le langage permet aux jeunes de se différencier des adultes.

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